Balade en Beaver dans le Nord du Québec

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Piloter un Beaver dans la Brousse québécoise, j'en rêvait depuis mon premier vol en hydravion, encore plus depuis un bref essai en 1994. Ces dernières années, la location d'un simple C172 à flotteurs au Canada est devenue impossible en solo pour de sombres histoires d'assurances. Je me suis dit, tant qu'à être obligé de voler avec un pilote de sécurité, autant se faire plaisir en pilotant une machine de légende inaccessible à un pilote privé en solo, même avant un certain 11 septembre. L'année dernière, j'ai parlé de tout ça avec Pascal Esnault et Jacques Gosselin qui sont démangés par la même passion. Comme ils vivent au Québec ils se sont occupé; de trouver le Beaver et l'exploitant idéal, et de l'intendance pour une balade en brousse de quelques jours. Depuis le printemps dernier nous avons échangé une correspondance abondante par Internet pour préparer tout ça.

Vendredi 18 juillet 2003. Hydrobase d'Air Mont Laurier à Sainte Véronique Québec. Norman Ouellette, propriétaire du Beaver DHC2 C-FTUR me montre les points essentiels à vérifier lors de la visite prévol. Les cylindres du moteur en étoile de 450hp Pratt & Whitney font l'objet d'une attention particulière, surtout le numéro 5 qui supporte la bielle maîtresse. Celui là, s'il fait un caprice on perd tous les autres.

Norman est animé par la passion du vol en brousse depuis plus de trente ans et sait transmettre son expérience. Afin de parfaire notre éducation, il nous propose d'exiger de nous la même chose que des pilotes professionnels qui travailleraient pour lui. J'espère que nous serons à la hauteur.

Si le Beaver à un aspect indestructible, taillé sur mesures pour la brousse, il demande à être manipulé comme une jeune mariée, surtout en ce qui concerne le moteur en étoile.

Mise en route, manette des gaz tout réduit, hélice plein petit pas, mixture plein pauvre. Pour décoller ou amerrir on sélectionne un réservoir qui contient au moins 12 gallons. Si les trois réservoirs sont pleins, on sélectionne l'arrière. On déverrouille la pompe d'injection, puis on pompe pour mettre le circuit en pression, ensuite 4 injections.

Contact général, magnétos coupées, démarreur pour brasser l'hélice, puis magnétos sur both. Quand le moteur tousse, je repousse doucement la manette de mixture, la manette des gaz reste en butée au minimum. Tout doit se faire en douceur pour éviter un retour de flamme (back fire dans le jargon local) pas très apprécié par le moteur, et peut être encore moins par Norman.

Le doux ronron du moteur se fait entendre, je navigue tranquillement pour faire chauffer (un hydravion n'a pas de freins). La température cylindres monte, un peu plus de pouvoir (puissance en québécois) pour augmenter le régime à 800 tours. La température monte encore, du pouvoir pour monter le régime à 1000 tours. Norman a peinturé (peint en québécois) les repères qui vont bien sur les pendules moteur (instruments moteur en berrychon moderne), ce qui évite d'avoir à mémoriser des paramètres pas évidents quand on débute sur ce genre de machine.

En me dirigeant vers le point de décollage, essais moteur, puis vérifications avant décollage. Les volets sont actionnés par une pompe à main, après avoir placé une petite manette dans le bon sens, les volets sortent ou rentrent au fur à mesure qu'on pompe. Je m'aligne, rentre les gouvernails marins, la commande m'échappe et je m'érafle un doigt, c'est le métier qui rentre. Je ferme la portière, on peut y aller. La portière doit être ouverte pour pouvoir rentrer les gouvernails.

Manche en butée arrière, mise en puissance progressive jusqu'à 35 pouces, un coup d'œil sur les pendules moteur, ça accélère, je pousse sur le manche pour passer sur le redan, j'ajuste le trim de profondeur durant l'hydroplanage et je me retrouve en l'air avec l'impression que le Beaver a décollé tout seul.

Première réduction, 30 pouces 2000 tours, en palier à quelques pieds de l'eau pour ménager le moteur. 80 mph, on peut commencer à monter. Vers 1500 pieds, mise en palier, nouvelle réduction, 28 pouces 1800 tours. A chaque intervention sur les paramètres moteur, un coup d'œil aux pendules associées.

Le capot moteur rond et le haut de la verrière incliné ne facilitent pas la prise de repères pour voler à plat, faudra que je m'y fasse. Quelques virages, bercé par la douce symphonie des neuf cylindres en étoile, afin de voir comment réagit ma nouvelle danseuse. Je demande bien pourquoi chez De Havilland les ingénieurs ont prévu un volant aussi massif, alors que deux doigts suffisent pour piloter le Beaver.

C'est parti pour quelques amerrissages afin de mieux sentir la bête.

Approche à 80 mph, quelques coups de pompe pour sortir les volets. Courte finale, hélice plein petit pas, arrondi, un peu de puissance pour toucher la surface très doucement. Là aussi, j'ai l'impression que le Beaver s'est posé tout seul. A noter que Norman est assez exceptionnel comme instructeur, il ne touche à rien, d'ailleurs y a pas de double commande à part les palonniers, il se contente de me conseiller judicieusement dans les écouteurs.

La manette des gaz doit être tenue entre le pouce et l'index, la paume de la main à plat sur la console, pour se prémunir d'éventuelles turbulences.

C'est reparti pour quelques amerrissages de plus, on ne s'en lasse pas avec une machine de légende. J'essaye le décollage sur flotteur, je met un coup de volant comme sur une vulgaire brouette aquatique volante, alors qu'une douce caresse suffit, j'ai momentanément oublié que le Beaver est taillé pour la brousse.

Dernier amerrissage, décélération, puis, près du ponton (le quai en québécois), je tire la mixture puis repousse la manette des gaz pour consommer ce qui reste de mélange. Le moteur s'arrête et j'accoste le quai en douceur.

Le Beaver est très facile à piloter, c'est un hydravion qui se sent. Les commandes de vol sont très douces, mais la gestion du moteur doit être rigoureuse afin de le ménager.

Je sens que je vais prendre beaucoup de plaisir à me balader en brousse avec ma nouvelle danseuse.
Vincent Fabri

Le récit complet de Jacques Gosselin

Durant l’été 2002 l’idée de louer un Beaver nous est venue et si au début elle pouvait paraître bizarre, elle germait tranquillement aussi bien en Pascal, qu’en Vincent et moi-même.

De toute façon connaissez-vous un pilote d’hydravion qui ne rêve pas de piloter un jour cet avion mythique qu’est le Beaver ?

L’été s'achève, Vincent est retourné en France et l’idée s’est un peu endormie tout comme nos flotteurs, mais l’hiver venu, nous pensons déjà à nos futurs vols.

Voici notre Beaver revenu.

Un beau jour Pascal m’envoie un courriel ‘’Jacques, Vincent m’a écrit, il revient avec l’idée de faire une virée dans le Nord avec un Beaver’’, je saute sur l’occasion, pas de problème, je suis partant et j’arrange le coup, depuis que j’en rêve, voici une opportunité que je ne peux laisser passer.

Tout d’abord il nous faut trouver le transporteur qui acceptera de nous louer son Beaver, comme pilotes, car évidemment on veut bien jouer les touristes mais notre but est de piloter le beaver et de préparer notre voyage dans son intégralité.

Évidemment les assurances nous obligent à voler avec un pilote de sécurité, cette fois ça fait notre affaire, mais nous désirons que la présence de celui-ci soit la plus discrète possible tout en nous permettant d’utiliser ses compétences comme instructeur de Beaver et garde fou au cas où ! Ni Pascal ni moi, bien qu’ayant participé de très près aux rallyes aériens de l’APBQ 2001 et 2002 et fait pas mal de vadrouilles dans le moyen nord, sommes jamais allés très haut dans le Nord et Vincent quoique étant à son troisième voyage nordique ne connaît pas le beaver et est bien content aussi d’avoir un pilote de sécurité.

Depuis longtemps je rêve des Torngats alors la destination est toute trouvée, d’autant que nous prévoyons initialement faire le voyage avec deux passagères, les coûts étant alors plus distribués, nous pouvons envisager plus d’heures de vol. Malheureusement très vite une de nos passagères se désiste, organisation de vacances problématique et coût trop élevé. Nous voici donc quatre Pascal, Vincent, Martine et moi.

Pour limiter les dépenses je propose de rester dans un budget de 3000$ (2500$ pour l’avion et 500$ pour l’hébergement) par personne et d’organiser le vol en conséquence. Tout le monde accepte et me voici à préparer un nouvel itinéraire respectant nos coûts mais aussi nos impératifs de temps.

Le voyage ne doit pas durer plus de 4 jours (18h de vol) en prévoyant une possibilité de rester pris par la météo durant deux jours. La seule semaine commune se trouve être celle du 20 au 26 juillet, Martine devant reprendre l’avion pour la France le 27 en fin d’après-midi, car elle travaille le lendemain.

Avec ces impératifs je trouve après quelques téléphones et courriels, notre transporteur, ce sera Air Mont-Laurier. Choix judicieux que nous ne regretterons pas. Accueil très sympathique, hydrobase parfaitement entretenue, avions dans un état proche du neuf tellement Norman et ces fils les chouchoutent et surtout un intérêt marqué pour notre excursion nordique et un plaisir évident à partager, de la part de Norman, pédagogue dans l’âme, une partie de son immense expérience avec nous. Que trouvez de mieux ? Après consultation avec Pascal l’affaire est entendue ; nous volerons avec Air Mont-Laurier, Vincent et Martine nous font toute confiance.

Reste la navigation, après consultation et vérification des distances acceptables pour notre Beaver qui sera à son poids maximum de 5090lbs, la distance maximale à parcourir s’avère être de 325 milles terrestres ‘’sm’’, l’anémomètre de CFTUR est gradué en milles à l’heure ‘’mph’’.

Compte tenu que sa vitesse indiquée de croisière est de 100 mph nous pouvons voler théoriquement 3.15 heures. Un petit calcul de précaution me dit qu’il n’est pas rare de rencontrer des vents de 25 mph dans le Nord et évidemment de face. Ceci réduit donc notre vitesse sol à 75 mph et nous autorise de fait un rayon d’action très sécuritaire de 250 sm. Nous devons aussi tenir compte que chaque jour de navigation soit partagé en trois étapes puisque nous désirons voler tous les trois chaque jour. Nous y parviendrons de belle façon.

Nous décidons donc de notre parcours en conséquence et arrêtons notre choix.

Pour la première journée, première partie départ de Sainte- Véronique, base de Air Mont-Laurier, au lac du Mâle au réservoir Gouin pourvoirie de Norman Ouellette, puis sur la deuxième branche nous volerons jusqu'à Baie du Poste et la troisième et dernière partie nous mènera au Lac Plétipi, à la pourvoirie de monsieur André Bernier, en longeant le lac Mistassinni et la rivière Témiscamie sur presque une centaine de sm avant de prendre plein Est.

La seconde journée nous amènera au point le plus septentrional de notre navigation, le canyon Eaton.

Départ du lac Plétipi pour le lac Pau,réservoir Caniapiscau, puis la rivière Caniapiscau jusqu’au canyon Eaton avant de redescendre sur Schefferville par la rivière Goodwood et finalement se rendre à  Wabush faire le plein avant d’aller dormir chez Éliane à Fermont.

Éliane et Michel amis de longue date de Martine font des excursions en traîneaux à chiens l’hiver, http://site.voila.fr/traineau et l’été reçoivent des amis de passage participant à des excursions comme la nôtre.

La troisième journée nous mènera par le chemin des écoliers à survoler l’ancienne ville de Gagnon avant d’amerrir au lac Louise, pour faire le plein. De la, direction le lac Margane, essence oblige et enfin la troisième partie nous ramènera au réservoir Gouin.

Initialement pour cette quatrième journée nous devions rejoindre le lac Saint-Jean en descendant la rivière Péribonca puis Kanawata et enfin Sainte-Véronique. Les conditions météorologiques nous ayant imposé quelques changements la fin de la troisième journée a du être modifiée et la quatrième et dernière journée sera finalement un court vol vers Sainte Véronique qui nous permettra d’ajuster le partage des heures et de pratiquer une dernière fois nos décollages et amerrissages.

Tous les préparatifs sont finis, nos équipements prêts, le régime citron jus tomate fini pour lutter contre les mouches, il paraît que ça marche, les distributeurs de produits de protection contre tout insecte piqueur sont en rupture de stock, nous sommes passés par là……………….

Vincent et Martine sont arrivés de France, le grand jour approche.

Finalement le vendredi 18 juillet au soir tout le monde se retrouve à Sainte Véronique. Norman, son épouse Danielle et les enfants nous ont organisés un bon BBQ.

Norman nous donne la chance de déguster de l’orignal cuit dans sa vieille poêle de fonte, tout le monde saute sur l’occasion, délicieux. La soirée s’étire, les prévisions pour demain ne sont pas encourageantes, on verra au lever.

Samedi matin 19 juillet, Environnement Canada (service météo) ne s’est pas trompé. C’est franchement pas terrible pour le départ ni sur le trajet prévu pour les deux ou trois prochains jours, après on le sait c’est loin et ça peut changer.

Bon on pourrait toujours y aller mais avec des visibilités de 2 à 3 sm et des plafonds très bas, il est préférable de ne pas  préciser, c’est pas encourageant d’autant que si nous les pilotes on veut voler et prendre de l’expérience de vol en brousse on aimerait quand même profiter du paysage et quant à Martine qui n’est pas pilote et qui fait le voyage juste pour la découverte du Nord ça serait plus intéressant de voir, quand même, un petit quelque chose.

Décision est donc prise de remettre le départ à mardi, créneau qui à long terme est plus prometteur.

Lundi 21 juillet au soir on se retrouve tous à l’hydrobase, de nouveau. Demain les prévisions sont encore mauvaises, évidemment on tombe sur la pire semaine météorologique. On verra demain matin.

Mardi 22 météo bouchée, d’après Norman qui connaît le coin mieux que le fond de sa poche ça devrait se lever. Téléphones au lac du Mâle, météo ça passe et au Plétipi ciel bleu. De plus les prévisions prévoient vers notre destination nordique du beau temps pour les deux prochains jours.

C’est là qu’il faut être, alors on prend la décision dès que la visibilité est acceptable on décolle.

Allez on charge, ça sera le premier chargement mais pas le dernier………..

Finalement Pascal décollera CFTUR à 11.00 et en deux heures, et quelques détours, nous amènera jusqu’au Gouin dans une météo plutôt mitigée, mais le plus dur est fait.

Petite escale, avec les premières mouches pas trop voraces, pour les besoins naturels et ravitailler notre oiseau et c’est reparti. Cette fois c’est mon tour. Démarrage loupé, ça commence bien, surtout que nous avons pris un accord avec Norman qui va nous montrer comme il a fait avec ses fils. Pas de passe droit et de gentillesse particulière et attention il a amené sa longue règle, j’en mène pas large, pour le prochain je me méfierai.

Une heure cinquante minutes plus tard j’amerris à Baie du Poste. Entre temps la météo s’est améliorée tout le long de la route comme prévu et maintenant il fait beau.

Rencontre avec nos premiers vrais pilotes de brousse : Gilles, 35 ans de brousse et d'une simplicité désarmante, et Philippe un autochtone fou d’avions. Gilles est un vieux copain de Norman et le plaisir de se retrouver après plusieurs années est évident surtout qu’il est fortuit. D’ailleurs ce voyage sera propice aux rencontres pour le grand plaisir de Norman et le nôtre. Ce qui m’a frappé dans ces rencontres c’est la simplicité incroyable de ces pilotes qui volent dans des conditions difficiles et dans des régions arides et dangereuses et qui finalement ne font que leur boulot et le font de tout leur cœur, des exemples à suivre.

Vincent prend les commandes et décolle direction le lac Plétipi via le lac Mistassini et la rivière Témiscamie. Deux heures 27 minutes plus tard, 19h10, après un super vol nous amerrissons sur un superbe lac dans un magnifique endroit.

Croyez nous le lac Plétipi ça vaut le détour.

Que dire de cette première journée qui se finit par un accueil remarquable, un super repas et une bonne nuit de sommeil !

Ce qui nous attirent dans le Nord, nous les amoureux des grands espaces, en tout cas moi, c’est cette liberté, cette infinité que l’on ressent à chaque coup d’œil. Bien sûr, certains diront il n’y a que des lacs, des arbres et quelques collines, plus haut même plus d’arbres juste de la roche, mais c’est probablement parce qu’ils n’ont pas compris la poésie de ces espaces, l’envoûtement que procure ces répétitions, ces enchaînements de vie sauvage, ce vide apparent rempli, de tous nos sentiments et de vie à qui sait le voir.

Et que dire de tous les défis de pilotage, mille lacs, mille amerrissages différents, mille approches à comprendre, milles décollages, à bien gérer sans compter sur dame météo qui nous réserve toujours des surprises. Du pur pilotage loin des contraintes aéronautiques mais qui demandent d’autant plus de jugement. Oui la liberté ça se gagne, ça se mérite mais quel immense plaisir on en retire.

Tous je crois, ont terminé cette journée avec ces pensées plein la tête et des images plein les yeux et que nous réserve demain ?

Mercredi 23, 5h30, lever, grand soleil, silence imposant. Mes oreilles sillent tellement c’est calme, l’eau du lac est translucide, on verrait une truite à 1 kilomètre au moins……, pas de blague…!! Je suis pas pêcheur alors je ne peux pas exagérer…!!, pas de vent, les eaux sont parfaitement miroitantes. Quelle paix, quelle tranquillité.

Allez, au boulot, c’est pas tout ça, il faut bien décoller, on est là pour ça, non ?

9h00 Pascal décolle direction le lac Pau ; sur le chemin on suit la rivière aux Outardes jusqu’aux Monts Othis; ah! Tiens ! quelques plaques de neige ! il faut dire que le Mont Yapelfso culmine à 3725 pieds !

Bon on y va ! en avant Nitchequon et le lac Naococane ! au fait est-ce une mer avec des îles ou bien une terre avec trop de lacs ? va savoir ! Mais que d’eau ! content d’être à 3000 pieds et d’éviter les milliards de mouches, moustiques et autres charmantes petites bêtes qui seraient bien heureuses de faire notre connaissance. Après un très bref survol de Nitchequon, je me demande ce que les gens peuvent faire dans un aussi petit village si perdu ! Direction le lac Pau par le réservoir Caniapiscau, vide! Le niveau très bas dégage de superbes plages mais honnêtement j’aurai préféré le voir plus plein. Notre première destination du jour apparaît après deux heures quarante minutes de vol. A la base d’Air Saguenay, encore des copains à Norman, accueil très sympa et on partage la cantine des pilotes, merci à tous là haut. On laisse passer l’orage et je décolle vers le canyon Eaton; ça sera notre point le plus nordique, 55° 34’ 30’’ N

Magnifique ce canyon ! Ca valait le détour ! Nous nous sentons un peu mieux car la rivière asséchée tout comme le barrage nous avez laissé un petit goût amer et j’avoue que c’était triste à voir.

La rivière Goodwood que nous redescendons vers Schefferville nous offre des rapides de toute beauté ; ces 20 minutes de vol nous offrent peut-être les plus beaux moments de notre périple, de 1700 sm. Finalement j’amerris 2 heures après mon décollage à ’’Squaw lake’’ juste à côté de la croix et je me prends pendant quelques minutes pour un pilote d’Air Saguenay de retour après une longue journée de vol, ceux qui ont vu « Aviature » comprendront !

De nouveau le plein, et Vincent « nous » re-décolle pour Wabush; nous descendons le ‘’Menihek lakes’’, le ‘’Ashuanipi lake‘’ et le ‘’Shabogamo’’ pendant 1h35 minutes de survol maritime avant un posé à Wabush. Ces lacs sont vraiment impressionnants.

Saut de puce et nous voici de nouveau au Québec, Fermont nous accueille. Il est 18h45 notre deuxième journée de vol s’achève et tout comme la première, nous voici remplis d’images et de souvenirs ; ils vont tourbillonner pendant longtemps dans nos mémoires.

Ce que j’aimerais partager avec vous, chers lecteurs, c’est ce sentiment incroyable d’espaces infinis.

Martine notre photographe, fera, en quatre jours, un millier de photos. Après un tri il en reste un CD de 592 photographies, mais je ne suis pas sûr, malgré toutes celles-ci et tout ce que je pourrais écrire, être capable de vous faire partager ce sentiment incroyable qui m’envahit tout entier.

Je sais j’en ai déjà parlé et vous trouverez mes écrits redondants, mais essayez d’imaginer un horizon sans fin, à chaque minute, à chaque heure de vol passée vous vous dites, je vais voir la fin, mais non l’horizon recule toujours, il se refuse, il vous offre son infinité.

Que faire d’autre que se laisser porter et vagabonder sur cette ‘’sauvagerie’’ !

Vous pensez aux indiens et à nos ancêtres qui ont parcouru ces immensités pour les découvrir, et vous pouvez sentir à quel point ils étaient courageux et en symbiose avec leur environnement, à votre tour vous vous laissez gagner par l’humilité et porter par ce sentiment profond de partager un espace grandiose qui vous donne la chance de l’entrevoir et que peut-être vous ne méritez pas vraiment et dans votre fort intérieur, vous vous excusez presque de déranger.

Espaces arides et sauvages, vous me pénétrez et me remplissez d’une joie incommensurable.

Jeudi 24, Éliane nous offre un vrai petit déjeuner bien copieux, puis bagages et chargement.

Oui en brousse il faut apprendre à charger, décharger, charger de nouveau, décharger de nouveau,…..

Et voilà 10h, je décolle FTUR pour le lac Louise, mais avant plein ouest, direction la rivière de La Racine du Bouleau; avec un aussi joli nom, nous ne pouvions faire autrement que d’aller faire sa connaissance. Survol de l’ancienne ville de Gagnon, plus rien ! Incroyable de faire disparaître une ville comme ça et pourtant….. Descente majestueuse du réservoir Manicouagan, on longe l’île René-Levasseur et à gauche le mont Veyrier,  j’ai un peu l’impression de faire du vol de montagne, super !

A 2500 pieds il n’est pas possible d’imaginer l’immensité du réservoir et de cette île si riche en écosystèmes. Il faudrait venir plusieurs jours dans le coin juste pour profiter de cet environnement exceptionnel ! En attendant 40 minutes, de survol nous amène au barrage Daniel Johnson, Manic Cinq.

Clic-clic, quelques photos ! approche et amerrissage au Lac Louise. Je sais que le lac est petit et en plus, vu la direction du vent, je dois le prendre dans sa plus petite longueur.
Je sais pas trop ce que je fous, je ne m’éloigne pas assez ni en vent traversier ni en vent arrière je me rapproche pas assez des collines au nord, et moi qui voulait absolument réussir cette approche délicate je la loupe; frustré vous dites ? car d’habitude je ne manque pas mon coup ! mais la tout y est, trop haut et un peu trop vite, c’est pas ce que j’ai fait de mieux ! Bon on va quand même amerrir tout en douceur après un petit coup de main de Norman et la docilité du Beaver. Mais il n’est pas content le monsieur…..

A propos, nos impressions : le Beaver est un avion très facile à amerrir, il est doux et se comporte très bien à basse vitesse et faible altitude. Par contre le décollage est plus difficile, la sensation de l’avion ne s’acquiert pas si vite, la gestion des paramètres, 30’’ hg et 2000 rpm dés la sortie de l’eau, la vitesse d’exécution nécessaire pour le bien être du moteur, la pleine charge qui nous oblige à décoller plein trim avant et à retrimer arrière au fur et à mesure de la prise de vitesse nous accaparent trop, aussi ne sommes-nous pas aussi sensibles qu’il le faudrait aux messages imperceptibles de FTUR. De plus, si l’avion décolle très rapidement même à pleine charge, il ne monte pas et prend que lentement sa vitesse. Ce phénomène est psychologiquement surprenant car on s’attend après un décollage rapide à monter aussi rapidement, ce qui n’est pas le cas. Il est donc impératif de mettre FTUR en palier dès sa sortie de l’eau, à quelques pieds pas plus, et de prendre tout de suite au moins 80 mph et de conserver cette vitesse pour la montée. Attention à bien gérer sa sortie de lac.

Bon, c’est le tour de Pascal de nous emmener directement jusqu’au lac Margane, Chute des Passes, pour faire le plein et manger un petit peu. On en profitera, sur le quai, pour tracer notre déroutement vers le réservoir Gouin.

Nous devions flâner un peu entre le lac Louise et le lac Margane et coucher dans le coin de Chute des Passes mais la météo s’annonce problématique pour demain et c’est déjà bouché au lac Sébastien, les pilotes d’Air Saguenay y sont cloués au sol. Alors décision est prise de filer tout de suite jusqu’au Gouin.

15h30 Vincent décolle direction le réservoir Gouin après 2 heures 16 minutes de vol parfois dans des conditions météorologiques marginales nous voici de nouveau au lac du Mâle.

Installation au camp 3, repas tranquille, observation d’étoiles sous un ciel complètement dégagé.

Belle dernière soirée, oui déjà la fin approche, voyage trop vite passé.

Vendredi 25 juillet, lever tranquille, temps magnifique, petit déjeuner de rois. Norman a décidé de nous offrir un super petit déjeuner au doré (poisson d'eau douce délicieux) et nous prenons notre temps pour bien profiter de ce cadeau. Et après vous savez, chargement du quatre roues, déchargement du 4 roues etc………

11H00 décollage pour Sainte Véronique et 2h10 plus tard on amerrit pour la dernière fois. Retour au bercail et on décharge pour la dernière fois aussi.

Finalement nous aurons fait 21 heures 16 minutes de vol soit 3h16 de plus que prévu, dû a une vitesse indiquée de 90 mph plutôt que 100 mph et du vent un peu plus fort sur l’ensemble des branches.

Malgré quelques détours non prévus, la météo s’est montrée clémente avec une très bonne visibilité. La navigation s’est avérée très facile. Bien sûr nous avions choisi des trajets touristiques, ils nous a suffi de suivre lacs et rivières, le suivi sur la carte était un jeu d’enfant. De plus nous avions à bord deux GPS un fixe et un portable Garmin III pilot. Sur les parties plus délicates, le cap et la montre nous ont amenés à destination, les GPS étant là pour nous rassurer.

Conclusion : si vous vous préparez bien, surveillez de très prés votre météo, le vol dans le nord s’avère aussi facile que dans le sud et les repères ne manquent pas. Croyez moi les lacs sont loin de se ressembler et il est facile de les reconnaître.

Comme équipement particulier j’avais un très bon kit de survie personnel plus une seconde trousse de premiers soins importante. Un filtre à eau plus des gouttes purificatrices. Nous avions à bord le matériel de camping pour cinq et également de la nourriture pour cinq durant 3 jours, d’ailleurs pour la petite histoire nous sommes revenus avec plus de bouffe qu’au départ ! Nous avions également une radio VHF et un téléphone satellitaire. J’avais laissé un itinéraire de vol complet à mon épouse avec nos trajets journaliers tracés sur les cartes plus toutes les coordonnées des points tournants importants, ainsi que tous les téléphones importants au cas où ! De plus j’ai appelé chaque jour pour donner notre position et nos intentions pour le lendemain ; quand nous avons dû changer de route, nous avons prévenu les personnes sur place de notre nouvel itinéraire. Ces précautions peuvent vous paraître superflues mais si nous avions été en difficultés, elles auraient pu être très utiles ; mieux vaut en prendre trop que pas assez, comme pour la nourriture…

Nous revenons avec des images plein la tête, une superbe expérience, la découverte d’une famille soudée et formidable, les « Ouellette ». D’un pilote formidable, Norman, qui n’a pas hésité à partager avec nous son expérience et qui a su nous faire confiance, qualités rares… notre Beaver n’a pas de double commande, mais pour la circonstance les palonniers en place droite ont été reposés, on ne sait jamais….

Notre groupe s’est montré soudé et l’expérience a été des plus bénéfiques.

Dans l’ensemble nous avons légèrement dépassé  notre budget, 3500 dollars CAD (2230 Euro) tout compris !

Évidemment ça coûte cher et pour le même prix on peut s’offrir de belles vacances en famille, mais quelle expérience !!. Ca valait le prix et puis je veux pas vous écœurer mais j’ai fait 21 heures de Beaver dont  7 « loggées », et appris encore et encore sur le pilotage de brousse. Et puis quasiment pas de mouches , les chanceux, alors si ça vous tente…………………….. Les mouches en brousse n'ont rien à voir avec les mouches françaises, très agressives elles vous arrachent un morceau de viande à chaque morsure.

Par contre, pas de pêche et nous n’avons vu aucun animal, ni aurore boréale, ça sera pour la prochaine fois, les Torngats cette fois, ou plus haut encore sait-on jamais !!!!

Merci à toi Norman et à vous Martine, Vincent et Pascal de m’avoir permis de vivre cette aventure.

Si vous désirez plus d’informations ou partager avec nous, appelez-nous ou écrivez-nous :
Pascal Esnault : +1 450 434 86 92 courriel : papaufer@sympatico.ca
Jacques Gosselin : +1 514 351 67 58 courriel : jakmich@videotron.ca

Remerciements à notre photographe Martine Lioré





Mieux que le netsurfing; l'hydroplanage  Août 2003 © Vincent FABRI